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1992-

Chose 001652 (Monkey’s Selfies)

En 2011, le photographe animalier britannique David Slater s’est rendu en Indonésie pour y photographier les macaques noirs (Macaca nigra) de Sulawesi, une espèce rare qui, de nos jours, survit uniquement dans la réserve naturelle de Tangkoko dans le nord-est de l’île de Sulawesi (Célèbes) et dans quelques îles voisines plus petites. Au cours de ces 25 dernières années, le nombre de ces macaques a reculé d’environ 90%. Comme la réserve de Tangkoko se situe près d’un village, les macaques ont pris l’habitude d’y voir des touristes et des photographes. Au cours de la visite de Slater, l’un des macaques a examiné et manipulé son appareil photo. Quand Slater a repris l’appareil, il s’est aperçu que la mémoire contenait plusieurs photos prises par le macaque. Slater a publié quelques-unes de ces photos en 2011 en les intitulant Monkey’s Selfies. Une photo a été postée sur le site en ligne du quotidien The Daily Mail, avec comme notice relative aux droits d’auteur « Copyright Caters News Service ». Monkey’s Selfies a fait le buzz sur internet. En novembre 2014 Slater a publié la série Monkey’s Selfies dans le livre Wildlife Personalities.

En 2015, Next Friends of Naruto, un groupe comptant parmi ses membres l’association américaine de défense des animaux People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), ainsi que la primatologue allemande Antje Engelhardt, déposa une plainte contre Slater pour violation du droit d’auteur du macaque par la diffusion des photos, leur promotion et leur vente. Engelhardt étudie les macaques noirs de Sulawesi, menacés d’extinction, dans le cadre du Macaca Nigra Project. Selon elle, c’était Naruto, un macaque de six ans, qui avait pris les photos ; Next Friends affirma que Naruto devait pouvoir disposer du droit d’auteur sur ces photos et en retirer les bénéfices, de la même façon que n’importe quel autre auteur. Ils arguèrent que tous les bénéfices de Monkey’s Selfies devaient servir à financer les efforts de conservation de l’espèce Macaca nigra. Slater riposta que la requête de PETA devait être rejetée parce que les États-Unis ne protègent pas les animaux comme Naruto.

Le 28 janvier 2016, l’affaire Naruto v. David Slater fut jugée devant la United States District Court of California. Voici le verdict du juge William Orrick :

Je ne suis pas d’accord avec Next Friends. [...] Ici, la Loi sur le droit d’auteur [Copyright Act] n’applique pas « manifestement » la notion de la qualité d’auteur ou le statut légal aux animaux. Au contraire, la Loi ne mentionne nulle part les animaux. La Cour suprême et la 9e Cour de circuit ont à maintes reprises mentionné des « personnes » ou des « êtres humains » en analysant la qualité d’auteur régie par la Loi. [...] « En matière de droits d’auteur, cependant, une ?uvre est susceptible d’être protégée par le droit d’auteur si cette protection est réclamée par les premiers êtres humains à avoir compilé, sélectionné, coordonné et arrangé [l’œuvre]. »1 [...] Next Friends n’a cité aucune procédure judiciaire élargissant la définition des auteurs jusqu’à inclure les animaux et je n’en ai trouvé aucune. [...] De plus, le Bureau des droits d’auteur [Copyright Office] affirme également que les œuvres créées par des animaux ne sont pas protégées par le droit d’auteur. Il a traité la question de la qualité humaine de l’auteur dans le « Compendium of U.S. Copyright Office Practices » sorti en décembre 2014 (« Compendium »). [...] Le « Compendium » affirme que « afin d’être reconnue en tant qu’œuvre ayant un auteur?, cette œuvre doit avoir été créée par un être humain. Les œuvres ne remplissant pas cette condition ne sont pas susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur ».2 Plus spécifiquement, le Bureau des droits d’auteur n’enregistre pas les œuvres produites par « la nature, les animaux ou les plantes », y compris, en guise d’exemple spécifique, « une photo prise par un singe ». [...] Naruto n’est pas un « auteur » au sens défini par la Loi. Next Friends soutient que ce résultat « va à l’encontre » de « l’immense intérêt [du public] pour l’art animal ». C’est possible. Mais c’est là un argument à soumettre au Congrès ou au Président, pas à moi. Pour moi, la question est de savoir si Next Friends a démontré que la Loi sur le droit d’auteur accorde un statut à Naruto. Compte tenu du langage clair de la Loi sur le droit d’auteur, des interprétations judiciaires antérieures de la condition posée par la Loi pour accorder la qualité d’auteur et des avis du Bureau des droits d’auteur, cela n’est pas le cas.

La cour a rejeté la plainte de Next Friends of Naruto et a conclu que les photos prises par un non-humain ne sont pas protégées en tant qu’œuvres d’art au sens des dispositions de la Loi sur le droit d’auteur.


  1. Urantia Foundation v. Maaherra, 9th Circuit, 1997

  2. Compendium of the U.S. Copyright Office Practices §313.2 (3d ed.)